La dénomination des oiseaux


LA DENOMINATION DES OISEAUX

René DRUAIS
Juge C.N.J.F_ O.M.J

Les nouvelles classifications proposées par la CNJF à intervalles réguliers ne sont pas sans désorienter certains éleveurs, parfois déconcertés par tout changement dans l’ appellation des oiseaux qu’ils élèvent .
On se souvient du tarin du Vénézuela devenu chardonneret rouge ou du rossignol du Japon rebaptisé léiotrix jaune ; plus récemment le kakariki à front rouge est appelé perruche de Sparrman et la princesse de Galles est devenue maintenant perruche d’Alexandra .
Toutes ces modifications ont été rendues nécessaires par l’évolution de l’élevage : il est indispensable que l’on utilise la nomenclature internationale et que chaque oiseau soit désigné par son nom scientifique ( en latin ) et , autant que possible , par un seul nom français .


 La dénomination binominale .

Pendant longtemps, d’Aristote au XVIème siècle, il était d’usage de désigner chaque plante ou chaque oiseau, soit par le système complet de ses catégories ( Règne , embranchement , classe , ordre , famille , genre , espèce ), soit par une longue série de noms ultra compliqués qui prétendaient donner de l’espèce un portrait sommaire en une ou deux lignes latines ( Exemple : « plantago foliis lanceolatus , spica subovata nuda , scapo angulato » ( plantain à feuilles lancéolées , à épine presque ovale et à hampe angulaire ).
C’est en botanique, branche annexe de la médecine, que les premières simplifications ont eu lieu : G. Bauhin dès 1620, dans un ouvrage où il décrit près de 6 000 végétaux, désigne certaines plantes uniquement par 2 mots latins ; plus tard, J. P.Tournefort ( en 1700 ) pour les plantes et K.N. Lang ( en 1722 ) pour les animaux, vont reprendre et étendre cette pratique d’utiliser 2 termes  pour désigner tout être vivant : le premier désigne le genre , c’est à dire le regroupement d’un nombre variable d’espèces ayant en commun toute une série de caractères ; le second désigne l’espèce dont la définition est due au naturaliste anglais John Ray (1627-1705) : « Ensemble d’individus qui engendrent par la reproduction d’autres individus semblables à eux mêmes ».
Mais il faudra attendre Carl von Linné, naturaliste suédois (1707-1778) pour que s’impose à la majeure partie des scientifiques de son époque, un système descriptif rationnel et universel, valable aussi bien pour les végétaux que pour les animaux et les minéraux : le système binominal .
Dès la première édition en 1735 de son « Systemae naturae », Linné met au point son système de nomenclature binominale qui permet de désigner avec précision toutes les espèces grâce à une combinaison de 2 mots latins :
-    un nom de genre ( ou nom générique ) au nominatif singulier dont la première lettre est une majuscule .
-    une épithète ( ou nom spécifique ) qui peut être un adjectif, un nom au génitif ou un attribut, s’accordant avec le genre grammatical ( masculin , féminin ou neutre ) du nom générique , écrit entièrement en minuscules .
Ce binome doit être écrit en italique ; que son origine soit grecque , latine ou de toute autre langue, il est écrit en latin ( et donc sans aucun accent ) .
Exemples : Serinus canaria ; Taeniopygia guttata ; Streptopelia risoria ; Melopsittacus undulatus ( pour ne reprendre que des espèces bien connues en élevage : canari, mandarin, rieuse, ondulée ) .
Les noms latins ainsi formés sont censés contenir une valeur descriptive ; les noms génériques ou spécifiques peuvent être :   
- géographiques ( pays, région, île, milieu de vie ) : novaeseelandiae (Nouvelle Zélande) ; mexicanus (Mexique) Amazona (Amazone) ; Oceanites (Océan) ; galapagoensis (Galapagos) ; campestris (champêtre) ; arborea (des arbres)  .
- éponymes ( nom d’un scientifique ou prénom de femme) : Newtonia (Newton) ; gouldiae (Gould) ; swainsonii (Swainson) ;  josefinae (Joséphine) ; aliciae (Alice) ; anais (Anaïs)  .
- descriptifs  (caractère , taille , couleur d’une partie du corps ) : amabilis (aimable) ; splendidus (superbe) ; nana (nain) ; gigantua (géant) ; acuticauda (longue queue) ; cyanocephala (tête bleue) ; albinucha (nuque blanche) ; melanogularis (gorge noire) .                      
- onomatopéiques ( rappelant le cri ou le chant ) : Cuculus (coucous) ; Lullula (alouettes) ; Turtur (tourterelles) ; chukar (perdrix) ( en latin u se prononce ou ).
Les avantages de ce système sont évidents : outre la simplification et la facilité de sa diffusion,  il permet d’éviter de recourir aux noms vernaculaires qui varient d’un pays à l’autre , voire d’une province à l’autre ; le même nom peut être utilisé partout dans le monde , en évitant les difficultés de traduction .
Quand une espèce est transférée dans un nouveau genre ( ce qui arrive assez fréquemment en raison de nouvelles connaissances ), son nom spécifique, lui, reste inchangé .
Malgré l’opposition de Buffon ( qui trouvait la méthode simpliste ) , ce système fut vite accepté ; grâce à lui, tout végétal ou tout animal rencontré peut être identifié . La chasse aux spécimens se développe alors . Linné envoie ses propres élèves et collaborateurs aux quatre coins du monde, dans des régions encore inexplorées par les naturalistes, pour lui rapporter toutes sortes de nouvelles espèces à décrire .
Dans les éditions successives ( la 12ème date de 1766 ) de son œuvre majeure, il n’aura de cesse de nommer et de décrire ainsi toutes les espèces connues de son époque ( n’hésitant d’ailleurs pas à remplacer les dénominations de ses prédécesseurs par de nouvelles , choisies par lui ) . C’est ce qui fera dire de lui : « Deus creavit , Linnaeus disposuit » ( Dieu créa , Linné mit de l’ordre ) .
On peut le considérer comme un des premiers taxinomistes ( la taxinomie est la science qui a pour objet de classer l’ensemble des êtres vivants ) .
Bien d’autres naturalistes suivront son exemple . Tout au long du 19ème siècle, on assistera à une véritable fièvre de l’inventaire : chaque expédition maritime ou terrestre emmène son naturaliste et son dessinateur à la recherche de nouvelles espèces . De nombreux oiseaux sont ainsi ramenés ou expédiés vers les divers muséums d’histoire naturelle d’Europe où ils sont naturalisés, décrits, nommés et répertoriés .
A titre d’exemple, sur les  371 espèces de psittaciformes que l’on dénombre aujourd’hui, seules 38 avaient été décrites par Linné : mais 130 ans plus tard, au tout début du 20ème siècle, c’est près de 95% d’entre elles qui sont découvertes et nommées .
On prit dès lors l’habitude d’indiquer, après la dénomination binominale, le nom de l’ « auteur », c’est à dire de celui qui, le premier, a donné un nom à une nouvelle espèce et l’a décrite dans un ouvrage scientifique ainsi que la date de la parution .
Exemple du Pigeon rameron :  Columba arquatrix  Temminck 1808 .
C’est ce même naturaliste néerlandais ( 1778-1858 ) qui écrivait en 1820 : « Plus on voudra s’entendre réciproquement par rapport à la nomenclature des genres et des espèces, plus les sciences y gagneront  et moins on aura à s’occuper du travail le plus ennuyeux et le plus stérile que je connaisse » .
Il faut dire que les ornithologues, au fur et à mesure que les connaissances s’amélioraient mais aussi au gré de leurs rivalités, ont souvent modifié les noms de familles et de genres des oiseaux .
Exemple : le capucin donacole avait d’abord été classé dans le genre Amadina par John Gould, puis dans Munia avant de devenir récemment Lonchura . On l’écrit à présent : Lonchura castaneothorax ( Gould ) 1837 ; la parenthèse indique que le nom de genre actuel n’est pas le générique initial attribué par Gould .
Le nom spécifique , lui , est beaucoup plus stable . Les taxinomistes évitent de le changer car il est à la base de tout le système linnéen
 
La dénomination trinominale .

C’est en 1776 que l’on trouve la première mention d’une sous espèce de la perruche à moustaches ( Psittacula alexandri ) par O.F.S.Müller , zoologiste allemand ( 1725-1776 ) . D’origine géographique différente, cet oiseau ressemblait certes à l’espèce décrite par Linné en 1758, mais il avait la mandibule inférieure noire ( et non rouge ), une poitrine d’un rose plus sombre avec un léger voile bleuté et le gris de la tête plus ardoisé .
Müller le nomma : Psittacula alexandri fasciata  , inaugurant ainsi la dénomination trinominale . La forme nominale ( la première décrite ) s’écrit , elle : Psittacula alexandri alexandri .
D’autres suivront :
Toui para : Brotogeris chrysoptera chrysoptera (Linnaeus) 1758 .   Brotogeris chrysoptera tuipara (Gmelin) 1788 .
Loriquet à tête bleue : Trichoglossus haematodus haematodus (Linnaeus) 1771. Trichoglossus haematodus moluccanus (Gmelin) 1788 (Loriquet de Swainson).
Ces sous-espèces ne sont que les premières d’une longue série : il s’agit d’oiseaux qui diffèrent suffisamment , soit par la taille, soit par la couleur, soit par tout autre détail, pour mériter un nom différent que l’on rajoute alors au binome initial . Dès lors qu’une première sous espèce est décrite , l’espèce nominale devient elle aussi une sous espèce .
Une espèce peut donc être , soit monospécifique ( composée d’une seule espèce nominale ) , soit polyspécifique ( constituée d’un certain nombre de sous espèces  dont la sous espèce nominale qui n’a aucune prédominance sur les autres si ce n’est son antériorité de description ) .
Il est difficile de tout vérifier , mais avec ses 37 sous-espèces , le merle des îles ( Turdus poliocephalus ) semble détenir le record ; le faisan de Colchide (30) , le lagopède alpin (25) , le colin de Virginie et la phasianelle d’Amboine (19) , la colombe à queue noire (18) , l’éclectus de Geoffroy (16) et le pinson des arbres (15) figurent aussi en bonne place .
Si l’on dénombre actuellement environ 9920 espèces , ce chiffre devrait être multiplié par 3 au moins en comptant les sous espèces .
En élevage , il peut arriver que ce ne soit pas la sous-espèce nominale qui soit  la plus fréquemment exposée en concours . L’exemple le plus connu est bien sûr le diamant mandarin : Taeniopygia guttata castanotis (20 mutations) possède 484 classes CNJF alors que la sous espèce nominale dite de Timor Taeniopygia guttata guttata n’en a que 4 .
On peut citer aussi la perruche à collier d’Asie Psittacula krameri manillensis bien plus présente (50 classes) que la perruche à collier d’Afrique Psittacula krameri krameri (2 classes) .
On pourrait ainsi multiplier les exemples : Poephila acuticauda acuticauda diamant à queue longue et Poephila acuticauda hecki diamant à queue longue de Heck   ; Barnardius barnardi barnardi  perruche de Barnard et Barnardius barnardi macgillivrayi  perruche de Cloncurry ; Barnardius zonarius zonarius perruche de Port Lincoln et Barnardius zonarius semitorquatus  perruche vingt-huit .
Ces derniers cas montrent que si , en général , les sous espèces d’une espèce polyspécifique portent le même nom vernaculaire , il existe quelques exceptions dans nos élevages .
Quand les différences sont importantes entre les sous-espèces , il est fréquent que les ornithologues ne soient pas d’accord entre eux et que le même oiseau soit espèce pour les uns et sous-espèce pour d’autres .
Si cela ne va pas sans difficulté d’identification pour les ornithologues de terrain , cela pose aussi des problèmes  aux éleveurs , aux juges et à ceux d’entre eux chargés d’écrire les standards des oiseaux exotiques car s’il est relativement facile de décrire une espèce monotypique , comment savoir quelle sous-espèce on a devant soi , sachant qu’il y a en parfois des dizaines pour des oiseaux aussi connus que le serin du Mozambique , le roselin familier ou l’astrild ondulé  ( pour ne citer qu’eux ) ?
Et je ne parle pas des croisements souvent involontaires entre sous-espèces qui peuvent expliquer les différences de phénotype dans une même classe en concours .


 Le nom français des oiseaux .

Il n’existe pas de règles précises pour la détermination du nom vernaculaire des oiseaux, laquelle s’exprime dans la langue nationale, et parfois sous plusieurs vocables (chaque appellation étant différente d’un pays à l’autre, avec parfois des risques de confusion).
Celle des noms français émane d’une commission instituée en 1990 lors du XXème congrès ornithologique international. Elle était composée de 9 ornithologues francophones (canadiens, français et belges). Le but était d’harmoniser quelque peu les appellations dans les pays d’expression française.
C’est en 1993 que la Commission Internationale des Noms Français des Oiseaux ( CINFO ) a établi sa liste dans un ouvrage intitulé       « Noms français des oiseaux du monde » ( P. Devillers ) . A quelques exceptions près, on retrouve ces noms dans un livre (format poche) « L’inventaire des oiseaux du monde » de M. Walters , G. Lesaffre , P. Le Maréchal ( Delachaux Niestlé 1998 ) .
Le monde des oiseaux exotiques ( éleveurs , auteurs de livres et magasins spécialisés ) a longtemps eu pour habitude de donner aux oiseaux d’élevage des noms divers , plus ou moins corrects et le moins que l’on puisse dire , c’est qu’il y régnait une certaine cacophonie : la même espèce portait souvent plusieurs noms .
Exemples : Lonchura cucullata était appelée Nonnette ordinaire ou Spermète à capuchon ou Mannikin nonnette ou Spermète nonnette ou même Hirondelle de Chine ; Erythrura tricolor  pouvait être Diamant tricolore , Diamant de Forbes ou Diamant de Tanimbar .
Pour éviter toute confusion , il était indispensable de n’utiliser qu’une appellation dans tous les pays francophones : c’est ainsi que la première devint : Capucin nonnette et le second : Diamant azuvert .
Le Leiothrix lutea  appelé communément « rossignol du Japon » n’est pas originaire du Japon ( mais principalement de Chine ) et même s’il chante très bien , il n’appartient pas à la famille des rossignols : c’est donc tout logiquement qu’il est devenu léiothrix jaune ; le nom de  « rossignol du Japon » a été , lui , attribué à Erithacus akahige qui est bien un rossignol originaire du Japon .

C’est cette liste que la Commission des juges CNJF Exotiques becs droits a choisi d’adopter dans ses classifications dès 2003 . Depuis nous nous sommes aperçus qu’elle ne faisait pas l’unanimité dans les milieux scientifiques et que la littérature administrative ( notamment les textes législatifs ) est toujours rédigée selon d’anciennes appellations . Mais , pour nos concours , on ne peut pas changer constamment .

Quoiqu’il en soit , cette dénomination obéit aux mêmes règles que la dénomination binominale :
-    le genre est un nom .
-    l’espèce peut être :
§ soit un adjectif épithète ( Perruche splendide ; Colombe bleutée ; Diamant modeste ) .
§ soit un nom en apposition ( Gros-bec migrateur ; Tisserin gendarme ; Ptilope moine )
§ soit un complément déterminatif ( Amarante du Sénégal ; Perruche de Pennant ; Caille des blés ) .
§ soit un groupe prépositionnel ( Inséparable à tête grise ; Serin à croupion blanc ; Verdin à front d’or ) .
On imagine difficilement les problèmes que la CINFO a dû résoudre pour trouver un nom français à près de 10 000 espèces différentes .
Dans beaucoup de cas , il a suffi de conserver le nom vernaculaire le plus souvent utilisé ou de traduire du latin en français , mais on se doute bien que tout n’a pas été aussi simple et qu’il a fallu faire des choix et des regroupements .
En ce qui concerne les genres , certains noms se sont imposés facilement : il y a ainsi 175 pics , 150 colibris , 135 tangaras ( de 46 genres latins différents alors les 50 espèces du genre latin Tangara sont tous appelés callistes ) , 120 bulbuls , 92 bruants et 38 serins . Il serait fastidieux de continuer : mais il est certain qu’avec ces regroupements ,  les 764 noms latins de genres ont sans doute pu être remplacés par une bonne centaine de noms de genres français .
Il n’en est pas de même pour les noms d’espèces . On peut certes donner le même épithète à plusieurs espèces mais il faut que ce soit dans un genre différent ; il y a ainsi un étourneau , un canard , un minivet, une marouette et un diamant : « mandarin » .
C’est d’emblée les indications de couleurs  et de taille qui sont majoritaires : j’ai renoncé à compter les « à tête noire » , les « à croupion rouge » , les « à longue queue » que l’on peut rencontrer dans les listes . Viennent ensuite les indications géographiques ( continent , pays , région , île ou ville ) dont sont originaires les oiseaux : rien que pour l’île de Timor , outre le mandarin , on trouve un padda , un loriot , une bouscarle , un gobemouche , un souimanga , un méliphage , une mégalure , un pouillot , un zostérops et un myzomèle , tous « de Timor » .
En troisième lieu, on trouve les noms de personnes (en général de naturalistes) ou des prénoms (en grande majorité de femmes) à qui on a dédié une espèce. Je projette d’en parler davantage dans un prochain article .
Pour le reste , c’est très variable : on retrouve le nom latin francisé, le nom en langue locale ou tout autre vocable dû à l’imagination fertile des « auteurs » .

Quelques noms .

Une liste d’espèces d’oiseaux ne se lit pas comme un livre de chevet, mais c’est néanmoins une mine inépuisable pour qui aime la poésie des mots  et se plait à rêver en découvrant les noms de ces « oiseaux des îles » .
Les naturalistes des 18èmes et 19èmes siècles, qu’ils aient une fortune personnelle ou qu’ils soient médecins ou directeurs de muséums, se devaient d’avoir de hautes protections pour pouvoir voyager et payer leurs collaborateurs . On comprend ainsi que l’on retrouve chez les oiseaux qu’ils nommaient  des noms évoquant les puissants de l’époque .
Nombreux sont les monarques, les roitelets, les chevaliers et les tyrans ; si le ara est noble, le grallaire est roi, la perruche royale, l’amazone impériale, le brillant impératrice, le manchot empereur, le pic sultan, le canard mandarin, le colombar commandeur ; il existe même un jardinier prince-régent et un bagadais du Roi Albert .
La religion n’est pas oubliée : s’il n’y a plus de papes ( ils sont devenus diamants ou passerins ), il reste des cardinaux, des évêques, des capucins et même un apôtre (gris) . Le mainate est religieux, le faisan prélat, la veuve dominicaine, le vautour moine, l’euplecte monseigneur, l’ibis sacré, le faucon pèlerin et la mouette relique . S’il existe un pic lucifer, on trouve aussi un engoulevent satanique et un organiste diable-enrhumé .
Pour qu’il n’y ait pas de jaloux, en plus d’une grallaire grand-beffroi, j’ai relevé une chouette des clochers, une hirondelle des mosquées et un martin des pagodes .

Après les nobles et le clergé, voici l’armée : le ara militaire, le vanneau soldat, l’amazone mercenaire, le chevalier combattant, le tyran pirate et le monticole espion, sans oublier les 16 gladiateurs .
Comme le grimpar est porte-sabre, le brillant fer de lance et l’oie-armée, il ne faut plus s’étonner si l’on retrouve le troglodyte balafré, la gallicolombe poignardée, l’ithagine ensanglantée, le pic en deuil et de nombreuses veuves .

De par leurs couleurs extraordinairement chatoyantes, certains oiseaux étaient considérés comme de véritables joyaux ; il n’est donc pas surprenant qu’en plus des diamants ( australiens ou océaniens ), on trouve un manakin rubis, une colombe saphir, des incas porphyre et à gemme bleue, un martin-pêcheur aigue-marine, un soui-manga améthyste, une perruche turquoisine, une tourterelle émeraudine et des colibris topaze et héliodore .

Les superlatifs que l’on a attribué à certains oiseaux sont souvent éloquents : enchanteur (mignard), fastueux (paradisier), remarquable (chipui), superbe ou magnifique (ptilopes), flamboyant (soui-manga), admirable    (colibri), féerique (lori), élégante (perruche) .
Pratiquement tous les traits de caractères que l’on trouve chez les humains sont aussi évoqués : triste (martin) ou joyeux (bulbul) ; vantard (merle) ou timide (séricorne ) ; odieuse (ninoxe) ou aimable (ariane) ; bavard (tyran) ou silencieux (tohi) ; souriant (méliphage) ou larmoyant (tangara ) .

Plus étonnantes encore sont les associations avec d’autres animaux : le bruant sauterelle, le piaye écureuil, le macareux rhinocéros, le moqueur chat, l’anabate chamois, la crécerelle renard, le synallaxe belette ou la rémiz souris .
On sait que la forme du bec des oiseaux est extrêmement variable ; cela se traduit dans les noms de genre comme : bec-croisé, bec-en-ciseau, bec-en-sabot, bec-ouvert, bec-en-cheville mais aussi dans les noms d’espèce : bec-en-cuillère (martin-chasseur), bec-en-coin et bec-en-faux (grimpars), bec-en-faucille (colibri) et bec-en-croc (milan) .
Il serait possible de poursuivre avec les noms de métier ou d’instruments de musique mais ces énumérations vont finir par lasser .


CONCLUSION .

La variété des noms d’oiseaux est immense et il est hors de question de prétendre les connaître tous . Mais mon ancien métier d’enseignant m’a appris que l’on retient mieux ce qui nous intéresse ( comme certains de mes élèves qui prétendaient n’avoir aucune mémoire pour apprendre leurs leçons mais que je surprenais à connaître par cœur les noms de tous les joueurs de leurs équipes de football préférées ) . Ces mêmes élèves toujours prompts à rire à propos du lac « Pipicaca » ou du fleuve « Missipipi », auraient aimé aussi, je pense, le bruant zizi, le mégalure matata, le mohoua pipipi, l’érismatule routoutou, le perroquet des niam- niam ou l’hémignathe nukupuu .

Plus sérieusement, il faut reconnaître que bien des noms sont plus poétiques : personnellement, j’aime beaucoup : la cisticole gratte-nuage, le piaye de pluie, le héron flûte du soleil, la paruline quatre-yeux, le mannakin casse-noisette et l’engoulevent peut-on-voir .

Et bien, si vous me voyez un jour et que vous êtes fâchés après moi d’avoir été aussi long et rébarbatif, il ne vous restera plus qu’à me traiter de tous les noms d’oiseaux ( au choix , conophage , myzomèle , gérogone , pipromorphe , phénopèple , nicator ou tohi   grisonnant ) !
La fin de cet article aura au moins servi à enrichir, à l’instar du capitaine Haddock, votre vocabulaire en la matière .
 
René DRUAIS , juge CNJF-OMJ .
Club ornithologique morlaisien (29 R.O.Bretagne)