Entre les naturalistes des 18ème et 19ème siècles et les éleveurs d'exotiques du 21ème siècle , il y a , outre la passion des oiseaux , quelques points communs : - nous utilisons les mêmes binômes latins pour pouvoir établir nos classifications et communiquer avec nos collègues étrangers ; - nos standards peuvent s'apparenter à la description détaillée qu'effectuait le « découvreur » d'une espèce nouvelle ; - enfin , même si ce n'est qu'à la fin du 19ème siècle , certains d'entre eux ont cherché à ramener vivants certains oiseaux en Europe pour essayer de les acclimater : après les muséums et leurs oiseaux naturalisés sont venus les « jardins d'acclimatation », précurseurs des parcs zoologiques et des collections privées . Les oiseaux que nous élevons dans nos volières sont , pour certains au moins , les descendants des premiers oiseaux importés : c'est le cas des perruches ondulées que John Gould avait rapportées de son voyage en Australie . Il en confia quelques-unes à lord Stanley , comte de Derby qui fut le premier à réussir leur reproduction en 1848 . La comparaison s'arrête là : alors qu'un éleveur d'aujourd'hui se passionne pour les oiseaux vivants , les ornithologues d'autrefois étaient , il faut l'admettre, des « chasseurs » qui n'étudiaient les oiseaux qu'une fois morts . Songez que J. J. Audubon (1785-1851) , célèbre pour ses peintures d'oiseaux d'Amérique du Nord a écrit : « Je dis qu'il y a peu d'oiseaux quand j'en abats moins de 100 par jour » , que William Yarrell (1784-1856) avait la réputation d'être le meilleur tireur de tout Londres ou que le révérend H.B.Tristram (1822-1906) , très grand collectionneur , était appelé par ses paroissiens « le grand fusil de Durham » ! On a du mal à imaginer la quantité d'oiseaux ainsi prélevés de par le monde, mais , à cette époque , c'était au nom de la science . On avait pour objectif d'inventorier la totalité du monde vivant et donc chaque espèce, à peine abattue, était dépecée ; les « peaux » préparées pour leur conservation étaient ramenées en Europe afin d'être naturalisées par les taxidermistes. Il revenait enfin aux naturalistes de les nommer et de les décrire dans une publication officielle , devenant ainsi leurs « auteurs » . C'est dans le « Systema naturae » de Carl von Linné (1707-1778) que l'on trouve en 1760 la première liste , avec leur dénomination binominale , des oiseaux connus de l'époque . Chaque nouvelle édition a été enrichie de nouvelles espèces , en particulier la 7ème (1776) par P.L.Statius Müller (1725-1776) , puis la 13ème (1793) par J.F.Gmelin (1748-1804) . Chaque espèce avait ainsi son double nom (Genre et espèce) en latin . Le nom d'espèce désignait en général une particularité de l'oiseau , soit anatomique (couleur, taille, forme) , soit géographique ( pays, région, lieu de vie) . Mais au fur et à mesure que le nombre d'espèces décrites augmentait , il devenait de plus en plus difficile de trouver un nouveau nom original . C'est , semble-t-il , Scopoli (1723-1788) , un médecin et naturaliste autrichien qui utilisa le premier un nom de personne pour désigner l'oiseau qu'il venait de décrire : en 1769 la perruche à collier fut ainsi appelée par lui Psittacula krameri en l'honneur de W.H.Kramer ( mort en 1765 ), un médecin allemand qu'il avait connu à Vienne . Mais c'est au 19ème siècle que cette habitude devint bien plus courante . La liste des catégories de personnes ainsi honorées est longue : cela va du souverain de son pays au collaborateur le plus modeste en passant par les collègues naturalistes ou les membres de sa famille . La formation du nom latin d'espèce est simple : au nom ou au prénom , on rajoute i pour un homme et ae pour une femme .
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Honneur aux dames.
Il faut reconnaître que le monde de l'élevage de loisir est très majoritairement masculin et ce ne sont pas les 2 seules femmes juges à la CNJF qui me contrediront . Il en est de même pour les ornithologues d'autrefois . Si on trouve près de 800 noms différents d'hommes à qui une ou plusieurs espèces ont été dédiées , c'est sur les doigts d'une main que l'on peut compter les femmes à avoir eu cet honneur . Il faut aussi attendre le début du 20ème siècle pour trouver une femme qui , à l'égal des hommes , soit partie en expédition et ait décrit de nouvelles espèces . Il s'agit d'Emilie Snethlage , une ornithologue allemande (1868-1929) qui a exploré le Brésil de 1905 à sa mort et qui a décrit de nombreux todirostres dont Hemitriccus minor qui porte son nom . En 2002 , un nouveau psittacidé lui a été dédié par Bates et Joseph ses découvreurs : c'est la conure de Snethlage , Pyrrhura snethlageae . Auparavant quelques autres dames avaient laissé leur nom à des oiseaux : - Sarah , l'épouse de Lord Amherst avait accompagné ce dernier lorsqu'il avait été nommé gouverneur des Indes en 1823 . Trois ans plus tard , on leur offrit 2 superbes faisans originaires de Birmanie . Ils séjournèrent pendant 2 années dans une volière à Calcutta , puis lady Amherst les ramena avec elle en Angleterre lors de son retour en 1828 . S'ils survécurent à la traversée , ils moururent quelques semaines après leur arrivée . Mais leur propriétaire les avaient montrés à B.Leadbeater , un négociant en spécimens naturels , qui en fit la description en 1829 et les appela en son honneur Chrysolophus amherstiae ( Faisan de Lady Amherst ) . - James Clark Ross était un navigateur et explorateur anglais . Lors de sa première expédition , en 1823 , il tire une nouvelle espèce de mouette à la poitrine rose que l'on continue d'appeler Mouette de Ross même si son nom latin est à présent Rhodostethia rosea . Plus tard John Cassin lui dédiera une petite oie : Anser rossii ( Oie de Ross ) . A 43 ans , il épouse Ann Coulman . C'est à celle-ci que John Gould en 1852 dédia un touraco nouvellement découvert : Musophaga rossae ( Touraco de Lady Ross ) . - Successivement jardinier , taxidermiste , ornithologue au muséum de Londres , peintre , voyageur et surtout éditeur avisé , ce John Gould est une des grandes figures de l'ornithologie anglaise du 19ème siècle . En 1829 , il épouse Elisabeth Coxen , une artiste peintre qui deviendra très vite une précieuse collaboratrice . Dans le 1er ouvrage qu'il publie entre 1830 et 1832 sur de nouvelles espèces qui lui étaient parvenues provenant des montagnes himalayennes , c'est elle qui réalise toutes les illustrations alors que le texte est , lui , écrit par N.A.Vigors (1785-1840) . Ce dernier dédiera à Mme Gould , en 1831 , un souimanga qu'il appellera Aethopaga gouldiae . D'autres publications suivront . John Gould a en projet d'éditer un ouvrage sur les oiseaux australiens . Pour parfaire ses connaissances et compléter sa collection , il se rend en Australie en compagnie de sa femme de 1838 à 1840 . C'est peu après leur retour , en 1841 , qu'Elisabeth meurt , à l'âge de 37 ans , suite à la naissance de son 8ème enfant . Plus tard Gould écrira « J'avais une pure affection pour ma défunte femme qui m'a aidé laborieusement avec son crayon durant plusieurs années , m'a accompagné en Australie et s'est intéressée joyeusement à toutes mes occupations » . Il ne se remarie pas mais met toute son énergie dans son œuvre majeure « Les oiseaux d'Australie » publiée de 1840 à 1848 en 7 volumes où il présente 600 oiseaux dont 328 nouveaux pour la science . Parmi ceux-ci , il y a un des joyaux de l'avifaune australienne , un magnifique estrildidé aux couleurs splendides qu'il dédiera en 1844 à sa femme sous le nom : Amadina gouldiae . Si son genre a été changé ( Chloebia puis plus récemment Erythrura ) et s'il est actuellement menacé dans son pays d'origine , cet oiseau est prospère dans nos volières et il aurait été logique à l'instar des australiens ( Lady Gouldian finch ) , qu'il soit appelé Diamant de Lady Gould ! - Allan O. Hume ( 1829-1912 ) suivra son exemple : en 1881 , il dédie à sa femme le faisan de Hume Syrmaticus humae ( Mrs Hume's barredback pheasant ) .
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Après les noms , les prénoms ...
La plupart des éleveurs connaissent la colombe de Cécile ou le toui Catherine parce qu'on peut les voir en concours . Mais il y a beaucoup d'autres oiseaux qui portent des prénoms de femmes : les ornithologues , tous des hommes , ont cependant eu la délicatesse de les attribuer à des oiseaux aux couleurs chatoyantes et au vol gracieux . C'est ainsi que plus de la moitié de la centaine de ces prénoms se retrouve dans la famille des trochilidés : coquettes , ériones , saphirs , émeraudes , arianes et surtout colibris ( plus de 20 ) Si on connaît le nom du descripteur , il n'est pas facile de savoir s'il a voulu rendre hommage à une épouse , une fille ou une sœur ! Lorsque c'est une reine ou une princesse qui est ainsi honorée , on peut avoir quelques précisions : - Charles Lucien Bonaparte , neveu de Napoléon 1er et cousin de Napoléon III , s'il fit un peu de politique , est surtout connu comme ornithologue . En 1822 , il épouse sa cousine Zénaïde Bonaparte (fille de Joseph, l'aîné de ses oncles) dont il aura 12 enfants . En 1825 , il décrit une nouvelle sous-espèce de Tourterelle à queue carrée et la nomme zenaida en l'honneur de son épouse . Comme en 1838 , il donne ce nom à tout le genre , cet oiseau s'appelle à présent Zenaida aurita zenaida . - Le paradisier de Victoria Ptiloris victoriae a été découvert en Nouvelle Guinée par l'australien J.MacGillivray en 1848 . Il fut décrit par John Gould en 1850 qui le dédia à sa souveraine , la reine Victoria qui régna sur le Royaume Uni de 1837 à 1901 . - C'est cette même reine qui arrangea le mariage de son fils Edouard ( alors prince de Galles ) avec la très belle Alexandra Schleswig-Holstein en mars 1863 . Gould encore lui , en bon sujet de sa majesté , donna cette année là le prénom de la toute nouvelle princesse à une espèce de perruche , Polytelis alexandrae , très belle aussi et que les éleveurs de psittacidés connaissent mieux sous son ancien nom (Princesse de Galles) que sous l'actuel (Perruche d'Alexandra) . - Autre oiseau bien connu , l'inséparable de Liliane Agapornis lilianae a été découvert en 1890 par Lilian Sclater , la sœur de P.L.Sclater , célèbre ornithologue anglais (1829-1913) . Il ne sera décrit par Shelley qu'en 1894 et il faudra attendre 1920 pour qu'on importe en Europe les premiers spécimens vivants . - Le paradisier de Carola Parotia carolae a ainsi été nommé en 1894 par l'allemand A.B.Meyer pour honorer Caroline de Suède , femme du roi Albert de Saxe . - Le paradisier de Stéphanie Astrapia stephaniae découvert par Carl Hunstein , sera décrit en 1885 par l'ornithologue Otto Finsh (1839-1917) et dédié à la princesse Stéphanie de Belgique , l'épouse du prince héritier Rodolphe d'Autriche (dont on connaît la fin tragique à Meyerling en 1889 ) . - Tragique aussi fut la mort de Thékla Brehm , la fille de l'ornithologue allemand C.L.Brehm ( 1787-1864) : elle mourut en 1857 d'une malformation cardiaque à l'âge de 24 ans . Son père , l'année suivante donna son prénom à une nouvelle espèce d'oiseau que ses fils venaient de lui ramener d'Espagne : Galerida theklae (Cochevis de Thékla) . - En 1861 c'est Cooper qui appelle une paruline : Vermicola luciae pour commémorer Lucie Baird , la fille de S.F.Baird (1823-1887) , un ornithologue bien connu . - Ce dernier était coutumier du fait ; 3 autres parulines décrites par lui portent des prénoms féminins : - en 1858 , Vermivora virginae ( Virginia Anderson était l'épouse du chirurgien militaire qui avait découvert l'oiseau ) - en 1865 , Dendroica adelaidae d'après Adélaïde Swift dont le père Robert avait capturé le premier spécimen . - et enfin , toujours en 1865 , le docteur Elliott Coues lui demanda de décrire une nouvelle espèce qu'il venait de trouver et de lui donner le prénom de sa sœur Grâce Coues ; Baird qui était son professeur et ami appela donc l'oiseau : Dendroica graciae . Ces quelques exemples suffisent à montrer comment étaient choisis certains noms d'oiseaux . Les noms en français peuvent parfois prêter à confusion .Il ne faut pas confondre le prénom (isabellae = d'Isabelle) avec la couleur (isabellina = isabelle) ; de même , on peut rencontrer des « carolinae » et des « carolinensis » : les premières désignent le prénom , l'autre la région d'origine . Pour en terminer , la mouette de Sabine ne commémore pas un prénom féminin mais Edouard Sabine , un astrophysicien à qui son frère Joseph (1770-1837) ornithologue , a dédié en 1819 cette mouette : Larus sabinii .
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Retour aux hommes .
Bien évidemment , ce sont des noms d'hommes que l'on retrouve le plus abondamment dans la dénomination des oiseaux . Il n'est pas question de les citer tous : même en ne citant que ceux de nos oiseaux d'élevage , il faudrait presque un dictionnaire . Comme on l'a compris , le descripteur d'une espèce nouvelle pouvait honorer une personne de son choix . L'usage voulait que l'on ne se nomme pas soi-même . Quelques-uns ont cependant dérogé à la règle : William Gambel (1823-1849) a donné son propre nom en 1843 au Callipepla gambelli ( Colin de Gambel ) . Andrew Adams (1827-1882) fit de même en 1851 pour Montefringilla adamsi ( Niverolle du Tibet ) . Adulphe Delegorgue (1814-1850) se dédia en 1847 deux oiseaux : Columba delegorguei ( Pigeon de Delegorgue ) et Coturnix delegorguei ( Caille arlequin ) .
Mais en règle générale, l'auteur d'une espèce nouvelle choisissait , soit un nom latin "classique" , soit le nom ( ou le prénom) de celui ( ou celle) qu'il voulait honorer . Comme , à son tour , son nom pouvait être donné à un oiseau par un autre auteur , on peut ainsi trouver pour le même nom , deux cas de figure :
- Espèce "dédiée à" : Canard d'Oustalet Anas oustaleti (Salvadori 1894) Diamant de Peale Erythrura pealii (Hartlaub 1852) - Espèce "décrite par" : Verdier d'Oustalet Carduelis ambigua (Oustalet 1896) Carpophage de Peale Ducula latrans (Peale 1848) .
On trouve parfois des exemples de réciprocité où 2 auteurs s'honorent l'un l'autre : - Chardonneret gris Carduelis lawrencei (Cassin 1850) - Colombe de Cassin Leptotila cassini (Lawrence 1867) .
Il arrive que le nom de genre et celui d'espèce honore la même personne : Phasianelle de Reinwardt Reinwardtoena reinwardtii (Caspar G.C. Reinwardt 1773-1854) Eclectus de Geoffroy Geoffroyus geoffroyi (Etienne Geoffroy Saint-Hilaire 1772-1844)
Certains noms de genres sont dédiés à de grands ornithologues ; citons simplement : Verreauxia africana Picumne de Verreaux (le français Jules Verreaux 1807-1873) . Hodgsonius phaenicuroides Bradybate à queue rouge (le britannique Brian H. Hodgson 1800-1894) . Ridgwayia pinicola Grive aztèque (l'américain Robert Ridgway 1850-1929) .
On trouve même des cas où le genre et l'espèce portent le nom de 2 personnes différentes : Newtonie d'Archbold Newtonia archboldi (Alfred Newton 1829-1907) (Richard Archbold 1907-1976) .
Enfin, le nom français choisi provient parfois , non pas de celui de la sous-espèce nominale , mais d'une autre sous-espèce décrite plus tard : Gallicolombe de Bartlett , le nom donné à l'espèce Gallicolumba criniger provient en fait de la sous-espèce G. c. bartletti décrite en 1864 par Sclater (Edward Bartlett, ornithologue anglais1836-1908 ) . Conure de Souancé désigne Pyrrhura melanura dont la sous-espèce P. m. souancei a été décrite par Jules Verreaux en 1854. Cette même année, Charles de Souancé (1823-1896) décrivait, avec son oncle François Victor Masséna, une autre espèce bien connue des éleveurs de psittacidés, la conure de Molina Pyrrhura molinae ( dédiée à Juan Ignacio Molina, ornithologue chilien 1740-1829) .
Certains ornithologues cumulent les espèces portant leur nom , en latin ou en français : le record est sans conteste détenu par P.L.Sclater puisqu'on trouve 18 espèces à son nom ; il faut dire qu'il était membre d'un bon nombre de sociétés savantes , qu'il entretenait d'étroites relations avec beaucoup d'ornithologues de son époque et qu'il est l'auteur de plus de 1400 publications ! D'autres n'en sont pas loin : Temminck (14) , Cassin (13) , Verreaux et Hogdson (12) , Salvadori (11) .
En contrepartie , il était , je pense, assez naturel pour tous ces ornithologues , en leur dédiant une espèce , de remercier tous ceux qui les aidaient dans leur travail : les collecteurs qui vont dans les contrées lointaines capturer les oiseaux , les taxidermistes qui les naturalisent , les collectionneurs qui les achètent , les artistes qui les peignent , sans parler des souverains ou des mécènes qui financent les expéditions , de leurs collègues d'autres disciplines qu'ils côtoient dans de multiples sociétés savantes ou des membres de leur famille . Il n'est donc pas étonnant de retrouver parmi les noms des oiseaux présents dans nos concours ( en sections F ou K ), non pas ceux d' ornithologues réputés , mais ceux de personnes souvent moins connues .
Voici quelques exemples parmi les plus fréquemment rencontrés : - Inséparable de Fischer Agapornis fischeri ; Gustav Fischer (1848-1886) est un explorateur et médecin allemand qui mena de 1876 à 1885 plusieurs expéditions en Afrique orientale , atteignant le lac Victoria et le pays masaï . Peu de temps après son retour en Allemagne , il meurt en 1886 , des suites d'une fièvre contractée pendant ses voyages .C'est son ami Anton Reichenow (1847-1941) qui décrira les spécimens qu'il avait rapportés de ses expéditions et , cas unique , leur donnera à chaque fois son nom : c'est ainsi qu'il existe un touraco , un bulbul , une veuve , un spréo , un gobemouche , tous de Fischer ! IL n'y a que la ptilope de Fischer qui doive ce nom à Bruggemann . - La Tourterelle de Reichenow (Streptopelia reichenowi) et le Sénégali de Reichenow (Cryptospiza reichenovii) sont 2 des 10 espèces qui portent le nom de cet ornithologue allemand . Lui aussi fit une expédition en Afrique centrale avant de succéder à son beau-père Jean Cabanis (1816-1906), d'abord au muséum de Berlin en 1888 , puis à la Société ornithologique allemande en 1893 . Grand spécialiste de l'avifaune africaine , il décrira dans un ouvrage en 3 volumes (Die Vögel Africas) plus de 2500 espèces de ce continent , dont un bruant Emberiza cabanisi qu'il dédie en 1875 à celui à qui il doit sa carrière . Tout récemment , à Porto , les juges exotiques ont mis bien du temps avant de trouver le nom d'un plocéidé qu'il avait à juger : c'était un républicain de Cabanis Pseudonigrita cabanisi ! - Capucin de Hunstein Lonchura hunsteini ; né en Allemagne , Carl Hunstein (1843-1888) , après avoir émigré aux Etats Unis , partit chercher de l'or en Nouvelle Zélande . Cette entreprise ayant échoué , il devint collecteur de plantes et d'oiseaux en Nouvelle Guinée . C'est lui qui y découvrit plusieurs nouvelles espèces de paradisiers : outre celui de Stéphanie déjà cité , il y a le paradisier de Meyer (Epimachus meyeri) , le paradisier bleu (Paradisaea rudolphi) dédié au prince Rodolphe le mari de Stéphanie et le paradisier de Guillaume (Paradisaea guilielmi) commémorant Guillaume II d'Allemagne (1859-1941) . - Diamant de Bicheno Taenopygia bichenovii ; le britannique James E. Bicheno (1785-1851) avant d'être nommé administrateur colonial en Tasmanie en 1842 était un botaniste amateur qui avait assisté Sir William Jardine dans la préparation de son ouvrage "Illustrations of Ornithology" . C'est sans doute à ce titre que Vigors et Horsfield lui dédièrent en 1827 ce petit estrildidé , bien connu dans nos concours. Un ville de Tasmanie porte également son nom . - Perruche de Pennant Platycercus elegans (Gmelin 1788) ; comme Bicheno , Thomas Pennant (1726-1798) n'est pas ornithologue et n'est honoré que par un seul oiseau . Sans diplomes , il s'est cependant passionné d'abord pour la géologie et les fossiles , puis pour la zoologie , publiant "British zoologia" , une compilation en 4 volumes des connaissances de son époque . Il est surtout connu pour les récits de ses multiples voyages à travers l'Europe et ses nombreuses correspondances avec des artistes de son époque (Linné , Buffon , Voltaire , entre autres ) . - Verdier d'Oustalet Carduelis ambigua (Oustalet 1896) ; Emile Oustalet est un zoologiste français qui co-signa avec le père Armand David (1826-1900) "Les oiseaux de la Chine" en 1877 et étudia les 160 spécimens que Jean Dybowski (1856-1928) avait ramenés de son expédition au Congo . - Géopélie de Maugé Geopelia maugei (Temminck 1809) ; parlant de cet oiseau , ce dernier écrit : "Le naturaliste à qui nous sommes redevables de la connaissance de cette belle espèce , n'ayant pas eu le bonheur de retourner dans sa patrie , il nous a paru normal de la lui dédier" .En effet René Maugé de Cely , au cours d'une expédition qu'il effectuait sous la conduite de Nicolas Baudin dans les mers du Pacifique sud , mourut en février 1802 en atteignant la Tasmanie . Il y est enterré sur la petite île Maria au large de sa côte orientale en un endroit appelé le point Maugé . - Perruche de Sparrman Cyanoramphus novaezelandiae (Sparrman 1787) mieux connue des éleveurs sous le nom de Kakariki à front rouge ; Anders Sparrman est un médecin suédois ayant exercé en Chine et en Afrique du Sud . C'est de là-bas qu'il rejoint la 2ème expédition de Cook dans les mers australes , engagé comme assistant des Forster père et fils . Il en fera le récit en 1787 , en français . C'est aussi à lui que l'on doit la première description du Diamant quadricolore Erythrura prasina en 1788 . - Sénégali de Verreaux (Hypargos margaritatus) et Colombe de Verreaux (Leptotila verreauxi) ; le français Jules Verreaux (1807-1873) fit , très jeune (à 11 ans) un voyage de 3 ans en Afrique du Sud en compagnie d'un oncle , puis retourna y vivre de18 à 31 ans : aidé de son frère Edouard , il fournissait de nombreux spécimens à leur père qui tenait à Paris un commerce d'objets d'histoire naturelle . Nommé naturaliste-voyageur au Muséum de Paris en 1842 , il part en Australie et en Tasmanie d'où il revient 5 ans après, avec une collection de 15 000 spécimens . - Diamant de Kittlitz Erythrura trichroa (Kittlitz1833) ; Heinrich von Kittlitz , bien qu'allemand fit un voyage autour du monde avec une expédition russe de 1826 à 1829 , à l'issue duquel il ramènera au muséum de Moscou plus de 300 espèces d'oiseaux . - Colombe de Buckley Columbina buckleyi (Sclater & Salvin 1877) ; l'américain Samuel B. Buckley (1809-1884) est bien plus connu en tant que botaniste ( il a d'ailleurs un chêne qui porte son nom ) que comme géologue ou zoologue . Un rapace américain porte également son nom : Carnifex de Buckley . - Chardonneret de Yarrell Carduelis yarrellii (Audubon 1839) ; William Yarrell a d'abord pris la suite de son père comme agent de change , puis excellent naturaliste , il devint trésorier de la Société linnéenne de Londres . En 1843 , il publie "The history of British Birds" , un livre accessible au grand public , illustré de jolies planches en couleurs qui le rendra populaire .
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Et les autres ...?
Il n'est absolument pas possible de les citer tous . On pourrait certes s'étonner de l'absence de noms bien connus comme Jacques Barraband , Titian Peale , Edward Lear , John Latham ou William Swainson : c'est simplement parce qu'ils figurent dans un prochain article consacré aux "peintres des oiseaux" . Pour d'autres , il reste des interrogations . Par exemple , pour la perruche de Bourke Neopsephotus bourkii (Gould 1841) , on ne sait pas si ce nom lui a été donné en l'honneur de Richard Bourke (1777-1855) , gouverneur de Nouvelles-Galles du Sud (Australie) de 1830 à 1837 ou de la ville à laquelle il a donné son nom et près de laquelle l'oiseau a été vu pour la première fois en 1835 . C'est encore plus difficile pour la perruche de Cloncurry Barnardius z. macgillivrayi (North 1900) : son nom latin honore l'ornithologue amateur australien qui l'a découverte à 50 km de la ville de Cloncurry , mais le nom français désigne cette ville et sa rivière , elles-mêmes ainsi nommées du nom de lady Elisabeth Cloncurry , cousine du 1er explorateur de cette région d'Australie . Le cas d'Henry O. Forbes (1851-1932) est particulier ; si plusieurs oiseaux lui ont été dédiés (Milan , râle , quiscale , pluvier) , son nom n'apparaît plus dans les noms français de 2 estrildidés : Lonchura forbesi est appelé Capucin de Nouvelle-Irlande et Erythrura tricolor longtemps nommé « diamant de Forbes » est devenu Diamant azuvert ( C'est Richard B. Sharpe qui avait trouvé en 1890 dans les collections ornithologiques du British Muséum dont il avait la charge , un spécimen différent de l'espèce-type et l'avait nommé Erythrura tricolor forbesi ; mais cette distinction n'a pu être validée par la suite et l'espèce est finalement restée monotypique mais en gardant longtemps le nom de Forbes ) .
Certains noms sont peu connus car ces naturalistes sont morts jeunes : - Heinrich Kuhl , l'assistant de Temminck mourut à 24 ans des suites d'une infection du foie contractée à Java ( Lori de Kuhl Vini kuhli Vigors 1824) . - Richard Böhm , lui aussi allemand , explora la région de Zanzibar et du lac Tanganyika et fit paraître de nombreux articles sur les oiseaux de ces contrées ; il mourut à 30 ans des suites d'une attaque de paludisme . ( Guêpier de Böhm Merops boehmi Reichenow 1882 ) . - Johann Georg Wagler , un autre allemand , bien que spécialiste des reptiles et des amphibiens , publia une « Monographia Psittacorum » où il décrit l'ara bleu ; il mourut accidentellement à 32 ans en nettoyant son fusil ( Conure de Wagler Aratinga wagleri G.R.Gray 1845 ) . - le britannique Hugh Strickland était géologue de formation mais il s'intéressait aussi aux oiseaux qu'il collectionnait ( 6000 exemplaires ) ; alors qu'il étudiait des spécimens sur le bas-côté d'une voie de chemin de fer , il est tué à 42 ans par un train express en faisant un bond de côté pour éviter un train de marchandises . ( Shama de Strickland Copsychus stricklandii Motley&Dillwyn 1855 ) . - Théodor Kleinschmidt mourut lui aussi tragiquement à 47 ans ; ce commerçant allemand après plusieurs faillites était parti récolter des spécimens d'histoire naturelle en Indonésie : il a été assassiné par des indigènes sur l'île d'Utuaia dans l'archipel Bismarck . ( Diamant à bec rose Erythrura kleinschmidti Finsch 1878 ) .
Heureusement la plupart des ornithologues purent mener à bien la totalité de leur carrière . Ce fut le cas de Joseph Steere qui , après avoir voyagé dans de nombreux pays lointains (Amérique du sud , Chine , Taïwan , Amazonie ) , finira tranquillement ses jours à ... 98 ans !
L'ornithologue dont le nom est le plus connu dans le monde entier , alors qu 'aucun oiseau ne le porte , est sans conteste James Bond (1900-1989) : malheureusement pour lui , ce n'est pas pour son oeuvre principale "Guide pratique des Oiseaux des Antilles" mais parce que l'écrivain Ian Fleming , ornithologiste passionné l'avait lu et décida de donner le nom de son auteur ( sans d'ailleurs son autorisation ) , au héros de ses romans policiers !
Pour terminer cet article , il faut citer Johann Bechstein (1757-1822) , non pas parce qu'il a décrit l'ara de Buffon , l'éclectus de Geoffroy ou le loriquet d'Edwards en 1811 ou que des chauve-souris portent son nom , mais parce qu'il est l'auteur en 1795 d'un "Manuel de l'amateur des oiseaux de volière" , sans doute un des tous premiers livres du genre et dont le sous-titre est suffisamment explicite : "Instruction pour connaître , élever , conserver et guérir toutes les espèces d'oiseaux que l'on aime à garder dans la chambre" pour donner aux éleveurs que nous sommes , l'envie de le parcourir * .
René DRUAIS Juge CNJF-OMJ
* Ses 384 pages peuvent être lues sur Internet en tapant son titre sur Google .
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